L’agriculture oasienne, pilier important de la stabilité socio-économique des régions arides du Maghreb, est étroitement dépendante de l’eau souterraine. En effet, les ressources en eau de surface sont plus difficilement mobilisables : les rares crues sporadiques sont stockées dans des réservoirs coûteux, sujets à l’envasement et aux pertes évaporatoires. En comparaison, les nappes souterraines offrent une plus grande stabilité malgré des taux de renouvellement en milieu aride très faibles.
Pendant plusieurs siècles, les populations sahariennes ont déployé des techniques pour augmenter la recharge des aquifères à partir des eaux de crue, grâce notamment à des puits capteurs et des bassins d’accumulation. Cette eau stockée dans le sous-sol, à l’abri des pertes évaporatoires, est ensuite pompée dans des puits, ou s’écoule dans des galeries souterraines de drainage (traditionnellement appelées foggaras en Algérie et khettara au Maroc), afin d’être utilisée durant l’année pour l’irrigation ou les besoins domestiques.
Il existe depuis une quinzaine d’années un intérêt accru pour les techniques de recharge artificielle de nappe, notamment en réaction à la multiplication des prélèvements par pompage. Des initiatives, individuelles ou collectives, se mettent en place, portées par une large diversité d’acteurs : agriculteurs familiaux, investisseurs, administrations publiques, ou associations de protection de l’environnement. Ces pratiques, puisées dans le répertoire séculaire et ancestral des oasiens, se modernisent en intégrant des techniques plus contemporaines. Il existe ainsi une diversité d’expériences, à la fois en termes de choix techniques et de dispositifs pour la conception, la mise en œuvre et la maintenance de ces ouvrages.
Le potentiel de ces ouvrages de contribuer de façon durable à la mobilisation des ressources en eau reste encore cependant peu connu, notamment : leur impact sur les aquifères, les conditions de leur mise en œuvre pérenne (possibles enjeux d’envasement, etc.), l’insertion de ces ouvrages dans une concertation entre usagers en amont et en aval.
Dans le cadre du projet Massire, une équipe de chercheurs et de doctorants, sociologues, agronomes et hydrologues, visent à mieux comprendre le fonctionnement et les impacts de ces ouvrages, et comment organiser leur conception et mise en œuvre pour qu’ils rendent possible de façon durable l’accès à l’eau pour les populations de ces zones arides.
Bassin plurifonctionnel à Tinejdad, Maroc: 1) stockage des eaux de crue pour la recharge de nappe et pour l’irrigation par pompage direct à énergie solaire, 2) collecte de sédiments utilisés comme fertilisant pour la culture de palmiers-dattiers
Puits capteur traditionnel utilisé pour la recharge de nappe à partir des eaux de crue canalisées à Ghardaïa (Algérie)(encart : débit de recharge dans le puits capteur en période de crue)