Résumé
Ces dernières années, de nombreux agriculteurs et plusieurs associations locales de Beni Isguen (Ghardaïa, Algérie) ont pris l’initiative de réintroduire les toilettes sèches et la pratique ancestrale du recyclage de ces déchets humains comme fertilisants agricoles. L’objectif de cette innovation est de lutter contre la dégradation de la nappe, qui résulte de la multiplication des constructions anarchiques et de l’inexistence de traitement optimal des eaux usées dans les oasis.
« Chez nos ancêtres, le mot déchets n’existait pas, tout était recyclé. Les toilettes sèches ont permis le recyclage et la valorisation des déchets humains pour l’agriculture ».
Le contexte et les objectifs
Dans la vallée du Mzab en Algérie, les toilettes sèches « individuelles et publiques » représentent un système d'assainissement ancestral dans la ville et dans la palmeraie, servant de source d'engrais grâce à la valorisation de l’urine et des matières fécales pour l’agriculture. En outre ces systèmes ont rempli pendant des siècles des rôles importants : l’économie de l’eau (car ce sont des systèmes d’assainissement à sec et parce que la seule source d’eau était la nappe phréatique), la protection de la santé des habitants et de l’environnement.
Cependant, au XXe siècle, avec la découverte de la nappe albienne dans les années 50 qui assure une alimentation en eau importante dans l’oasis, la population locale a commencé à négliger ces systèmes et à les remplacer par les toilettes à chasse d’eau. Vers les années 1980, les toilettes sèches ont complètement disparu de la ville et celle qui se trouvent dans la palmeraie sont abandonnées. Cependant de nouveaux problèmes environnementaux sont apparus en lien avec la contamination de la nappe phréatique par les eaux non traitées ou par la multiplication des fosses septiques non conformes au niveau des maisons qui se trouvent au cœur de la palmeraie (gites touristiques surtout).
Certains habitants de l'oasis ont pris l'initiative de revenir aux toilettes sèches dans l'oasis pour assurer la durabilité du système oasien, et de relancer la pratique du recyclage des déchets humains. Les acteurs locaux (notables « localement : Oumana ») et les associations locales ( l’Association de Protection de l'Environnement de Beni-Isguen - APEB- , l’association « Amis des oasis » et l’Association de quartier dans la palmeraie) essayent de sensibiliser la population à l’importance de réintroduire ses systèmes de « toilettes sèches » et de montrer leur rôle dans la palmeraie pour protéger l’oasis contre la pollution en absence d’un réseau d’assainissement collectif, en plus des quantités d’amendements qui pourraient être récupérées.
La réalisation
Depuis les années 2000, plus de 20 nouvelles toilettes sèches individuelles ont été réalisées dans les extensions, y compris celles qui ont été réalisées depuis 2013, surtout avec une dynamique inverse à celle de la réalisation des toilettes à chasse d’eau. Certains agriculteurs et acteurs locaux de la ville de Béni Isguen ont construit de nouvelles latrines (toilettes sèches) dans les jardins afin de bénéficier du fumier et de protéger le milieu naturel de contaminants biologiques ou chimiques, essentiellement au niveau de la nappe phréatique.
Un projet d’entretien, de restauration et de reconstructions des toilettes seches publiques est prévu en collaboration entre l’APEB et l’association «Amis des oasis ». Mais face à la crise du COVID, le projet n’a pas encore démarré.
Les résultats
Un des cas qui illustre le renouveau des toilettes sèches est celui d’un agriculteur de notre échantillon d’enquête. Il possède 2 ha occupés principalement par le palmier dattier, l’arboriculture fruitière (oranger principalement) et les cultures maraichères.
La fertilisation de son exploitation se fait à base d’un compostage constitué de mélange de fumier : ovins, caprins, volailles, bovins (fumier acheté), débris végétaux et fumier humain. Pour ce dernier, il a construit une toilette sèche dans son jardin et il a pris l’initiative d’encourager ses visiteurs de l’utiliser. Malgré la petite quantité des déchets humains recyclés, selon lui ils restent les meilleurs fertilisants par rapport aux autres types de fumier. Cet agriculteur propose que chaque agriculteur installe une toilette sèche dans son exploitation agricole et il compte réaliser une toilette sèches publique à la sortie de son exploitation.
Limites et perspectives
Ce renouveau des toilettes sèches dans l’oasis de Beni Isguen a plusieurs avantages : protection de l’oasis, transfert du savoir-faire vers les extensions et valorisation de matière organique en agriculture. De plus les Oumanas, qui sont les « notables » de la région, refusent l’idée que le réseau d’assainissement collectif pénètre à l’intérieur de l’oasis parce qu’il va conduire à l’urbanisation de la palmeraie et également l’arrachement des palmiers.
Cependant parmi les contraintes que rencontrent ces systèmes, d’un côté la quantité des déchets recyclée n’est pas importante donc on ne peut pas estimer son effet sur le rendement agricole. De l’autre côté, ces systèmes sont peu acceptés par les jeunes générations qui ne sont pas habituées à ce type de toilettes.
Contact
Bekaddour Sara : +213783119265
Fiche réalisée par : Sara Bekaddour, Nassim Ait Mouheb, Hartani Tarik